Harry Koumrouyan : Un si dangereux silence

Par Annette Zimmermann

Harry Koumrouyan est né à Genève. Après des études de lettres effectuées en Suisse et aux Etats-Unis, il poursuit une fructueuse carrière dans l'Instruction publique à Genève, directeur au Cycle d'Orientation, et responsable du personnel et de la formation continue des enseignants. Sa passion reste la littérature et il livre ici son premier roman, une fiction marquée au sceau de son itinéraire familial.

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Un premier roman

Il s’agit d’une véritable saga, qui s’étend sur trois générations. On aimerait d’ailleurs en savoir plus sur la fuite d’Aram, Kevork et Becca, échappés miraculeusement au génocide arménien. Ou sur la réussite professionnelle de l’aîné, Aram, qui parvient à s’imposer sur le marché de la joaillerie genevoise. Comment a- t-il rencontré sa femme, Victoria, une jeune arménienne ? Et pourquoi Arthur, le fils d’Aram, a -t-il décidé de vivre aux Etats-Unis, mettant un océan entre ses parents - pourtant bien-aimés - et lui ?

L'Arménie en filigrane

Dès les premières pages, on sait que la tragédie arménienne du début XXème siècle s'inscrit en creux dans tout le roman.

Même si l'action principale est située à Genève ou à New York, au XXIème siècle, les membres de la famille Simonian ne peuvent oublier le drame atroce qui a frappé leurs ascendants...

Ainsi, Aram, le patriarche rescapé du génocide, ne peut en aucune façon tolérer l’idylle nouée entre sa fille et un ressortissant turc, étudiant en médecine comme elle.

« - Le génocide, il a cent ans, mais on dirait que c’était hier. Il ne nous lâche pas.

- Je pense que tu sais pourquoi.

- Dis-moi...

- Quand on nie les faits, qu’on les refuse, on ne les efface pas, bien au contraire. On les fait vivre. On a tué une population et on voudrait, par le silence, la tuer une seconde fois. C’est impossible. Les preuves des événements existent; il faut le courage de les regarder, de les accepter, puis de dire la vérité. A ce moment-là, la paix reviendra. Peut-être. »

La plume précise, alerte, parfois caustique de H. Koumrouyan (quand il décrit une réception du monde huppé genevois) campe des personnages attachants, notamment le jeune Joseph, petit-fils d'Aram, confident de son grand-père, qui décide de rompre avec l’obligation familiale de réussir sa vie financièrement, et s’adonne à la musique, en devenant violoncelliste.

« Il formait avec l’instrument posé contre lui un duo étroit, solide, presque amoureux. Les notes s’égrenaient, amples et profondes, dans la pièce; elles montaient jusqu’aux poutres de la maison, qui les accueillaient et les réverbéraient. Puis elles dansaient et, par une fenêtre ouverte, elles quittaient le chalet pour rejoindre les montagnes. »

La musique permettra d’échapper au danger du silence...