Regards sur la nouvelle littérature romande

Par Pierre Jeanneret
Quatre romans attachants en guise d’échantillon

De très nombreux ouvrages sont parus fin 2015 et en ce début de 2016 en Suisse romande, souvent publiés par de «petits» éditeurs courageux. Ils démontrent une belle vitalité de la création littéraire dans nos régions.

Photo Skyline- (license CC)

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De manière certes arbitraire, nous en avons retenu quatre.

Harry Koumrouyan a fait toute sa carrière dans l’enseignement public genevois. Un si dangereux silence, paru en 2016 aux Editions de L’Aire, est son premier roman. Touffu (un peu trop), il constitue une véritable saga, sur trois générations, de la famille Simonian, d’origine arménienne.

On y trouve le grand-père Aram, véritable patriarche de la famille. Sans renier ses origines, l’exilé est fier de son intégration et de sa réussite économique. Né dans l’Empire ottoman, il a échappé au génocide. Le clan se réunit tous les 24 avril pour commémorer celui-ci, qui hante la mémoire arménienne: c’est aussi l’occasion d’un festin aux saveurs caucasiennes.

Son fils Arthur a choisi de rompre avec ce passé pesant et traumatisant et de s’installer aux Etats-Unis: «Au début, quand je suis arrivé à New York, j’espérais tourner une page, arracher les racines et planter un nouvel arbre. […] Devenir un homme neuf. […] Plus tard, j’ai pigé qu’on ne se débarrasse pas si simplement du passé.»

Sa fille Anoush, après une histoire d’amour avortée avec Mehmet le Turc (au lecteur de découvrir les rebondissements concernant ce personnage!), épouse Eric Landolt qui appartient à la bonne bourgeoisie genevoise, et change son prénom en Anne.

C’est leur fils Joseph qui est au centre du récit. Il porte un regard jeune et lucide sur sa parenté. Il est tiraillé entre ses deux appartenances, suisse et arménienne.

On le comprend: au cœur de ce roman, il y a la question des origines et de l’héritage. Comment assumer ceux-ci sans être entraîné par le poids d’un passé tragique qui, chaque jour, se fait plus lointain? «Le génocide, il a cent ans, mais on dirait que c’était hier. Il ne nous lâche pas.»

Le jeune homme entame une carrière de violoncelliste à New York, où il fait la connaissance de Greta. Ensemble, à l’occasion d’une tournée musicale, ils découvrent l’Arménie. Joseph est maintenant en paix avec lui-même, il accepte sa double appartenance nationale et culturelle.

Voilà un résumé sommaire de ce roman qui présente quelques défauts et où l’on se perd parfois un peu, mais qui a vraiment quelque chose de profond à nous dire.

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Source: https://www.domainepublic.ch/articles/2916...